PORTRAIT, ÉCHAPPÉE

Charline Gerbault, son tour de France des cabanes

Elle a dormi perchée, posée, isolée. À force de sentiers et de haltes, elle en a fait un guide : plus de cent adresses pour ceux qui préfèrent l’évasion en douceur aux hôtels standardisés.

Lorsque l’on franchit la porte de l’appartement de Charline Gerbault, face au canal de l’Ourcq à Pantin, on a tout de suite le sentiment d’être ailleurs, loin du tumulte de la ville. Une lumière douce glisse sur les étagères, éclabousse les livres, accroche quelques souvenirs de voyage disséminés ici et là. Charline, elle, est à l’image du lieu : un mélange de tranquillité et de curiosité qui donne envie de s’attarder. Elle nous propose du thé, on accepte un verre d’eau. La quarantenaire sait prendre son temps pour lire, cuisiner et surtout, voyager. Emprunter les chemins de traverse, ceux qui ne promettent rien d’évident mais réservent toujours quelque chose. Alors en 2020, lorsque le couperet du Covid tombe. Plus de voyages, plus de terres lointaines. Pour Charline et son compagnon Kares Le Roy, photographe des tribus et arpenteur de l’Iran, de l’Oman et de l’Asie centrale, l’immobilité devient un défi. Il faudra repenser le voyage, réinventer l’itinérance.

« J’AI TOUJOURS ENVIE DE VOYAGER MAIS AVEC UN REGARD PLUS CONSCIENT, PLUS ANCRÉ »  

Ça sera donc un tour de France, avec un enfant sous le bras, et une Jeep Cherokee comme compagnon de route. Pas de steppes infinies, ni de dunes brûlantes à découvrir mais un fil rouge : les cabanes. Perchées, flottantes, cachées en lisière de forêt ou posées au bord de l’eau, elles deviennent leur refuge et leur terrain de jeu. Kares capture, met en lumière leur périple de deux mois. Une première boucle terminée, un recueil de photos voit le jour : Cabane(s) aux editions Elystis. Mais l’aventure ne s’arrête pas là.

Charline pousse l’exploration plus loin. L’idée d’un guide germe, ce sera Passion Cabane, un carnet d’adresses pour voyageurs en quête d’évasion. 100 lieux, 100 expériences, pour s’immerger dans la nature, repenser l’habitat. Du minimalisme brut, presque spartiate, aux cabanes en bois sculptées comme des écrins cinq étoiles.

«LA FRANCE EST D’UNE RICHESSE INOUÏE»

Au fond, pour Charline, cette histoire de cabanes est bien plus qu’un simple projet de voyage. C’est une histoire de transmission, de lien avec la nature et de quête d’un mode de vie plus conscient. « J’ai toujours cette envie de voyager. Mais maintenant, avec un regard différent, plus conscient, plus ancré. » L’été dernier, la jeune maman s’est formée à la construction en bois. Après des semaines de formation, elle a construit seule une cabane pour son fils, dans les Landes. « Une première, avec plein de défauts. Mais elle est debout, et j’en suis fière. » Ce goût pour le bois et le fait-main, elle l’a depuis l’enfance. Élevée en banlieue parisienne, elle passe ses vacances avec ses parents et sa sœur dans des gîtes ruraux parmi les plus reculés de France. « À 18 ans, je voulais voir autre chose que la France, parce que j’avais l’impression d’avoir tout vu. Mais avec le temps, je me rends compte que c’était une richesse inouïe. »

Aujourd’hui, elle porte un regard affûté sur son parcours. Un chemin entre l’architecture – son premier amour, qu’elle a étudiée à l’école de la Villette (ENSA) – et le voyage, toujours en quête de lieux qui racontent des histoires. Elle se questionne pour la suite. Une maison en bois, plus grande ? Peut-être. Un tour d’Europe des cabanes ? Pourquoi pas. Mais une chose est sûre : Charline n’a pas fini de rêver en bois et en mouvement. Parce qu’au fond, une cabane, c’est quoi ? Un abri, un refuge. Un point de chute. Mais aussi un point de départ.