Pourquoi faut-il voir le film de Ryusuke Hamaguchi, Le mal n’existe pas ?

Après le succès de ses précédents films Drive My Car et Conte du hasard et autres fantaisies Ryusuke Hamaguchi revient avec un nouveau film « improvisé » nommé Le Mal n’existe pas.

Si l’on s’en réfère à Anatole France, « Le mal est nécessaire. S’il n’existait pas, le bien n’existerait pas non plus. Le mal est l’unique raison d’être du bien. Que serait le courage loin du péril et la pitié sans la douleur ? », le mal se doit d’exister… Dans son dernier film, le réalisateur japonais s’interroge et vous pose la question.. Retour sur la genèse du film…

Improvisé si l’on peut dire, car l’origine de ce film démarre lorsque la compositrice Eiko Ishibashi, qui a notamment travaillé avec le réalisateur sur Drive my car, lui fait la commande d’images muettes pour illustrer un futur concert qu’elle doit orchestrer, un projet collaboratif appelé « Gift » . Ryusuke Hamaguchi se rend alors dans une région reculée de Tokyo où la compositrice a l’habitude de travailler. Il se retrouve démuni dans un village et une région qu’il ne connait pas, ne sachant pas quoi filmer, il se tourne vers Eiko Ishibashi qui lui conseille « Tu n’as qu’à faire ce que tu fais d’habitude », ce à quoi il répond, « Je réalise des films de fictions » dont acte. C’est en s’imprégnant des lieux et en se rapprochant des habitants qu’il tirera peu à peu les idées de son long-métrage. Une anecdote résonnera particulièrement, l’histoire de cette entreprise de Tokyo venue construire un site de Glamping. Il sent que le sujet est intéressant à creuser, en l’occurrence la déconnection des citadins à une nature qu’ils considèrent pourtant comme salvatrice, et le lien tellement plus réel que la population de ce village entretient avec son environnement.

 C’est l’ambiguïté que le film explore, la vie et sa nature sont complexes, la beauté et la violence se mélangent, l’humain ne tient pas ses comportements dissonants de nulle part. C’est une expérience tout en contradiction, on s’imprègne de longs plans de la cime des arbres sous la musique envoutante d’Eiko Ishibashi, puis notre errance s’arrête violemment pour laisser place au dialogue compliqué entre les promoteurs tokyoïtes et les habitants du village désemparés devant l’irresponsabilité du projet présenté. On revient ensuite à la lenteur de la forêt, au bouillon chaud des udons, avant un coup de feu des chasseurs non loin de là. Le film se déroule ainsi, la bande-son habillant le propos. Ryusuke Hamaguchi dit de la musique de sa compositrice, qu’elle est délicate mais qu’elle ne cherche jamais la mélodie, elle s’étend et va jusqu’à la dissonance, nous imprégnant ainsi d’une étrangeté confortable.

Mots : Alizée Bauer

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