Vanessa Wagner, pianiste écopunk

Pianiste précoce, Vanessa Wagner raconte son enfance, sa sensibilité au monde animal et à l’environnement entre un récital classique et un concert postminimal.

Il y a un brouhaha de fin de marché, en ce début d’après-midi dans le centre de Montreuil. Un peu plus loin, dans une rue adjacente, plus au calme, une porte grise, on sonne. Une femme, coupe au carré, rouge aux lèvres, regard bleu lagon tahitien, nous ouvre la porte. Après un rapide tour du propriétaire, couloir-bibliothèque, patio jungle et un jardin laissé en jachère pour « préserver la biodiversité et les animaux » que la musicienne défend, on s’attable dans une grande cuisine familiale. On l’interroge d’un timide, vous cuisinez ? « J’ai interdiction de toucher au piano de cuisson, je cuisine atrocement mal. » ironise la pianiste.  

« un univers contemplatif, proche de la nature et entourée d’animaux »

Née à Rennes, Vanessa Wagner grandit dans une famille d’intellectuels post-soixante-huitards, avec sa grande sœur et ses parents agrégés de littérature. Une enfance dans « un univers contemplatif, proche de la nature et entourée d’animaux ». Elle commence le piano à 7 ans, l’année suivante, un ami de la famille, chef d’orchestre, l’encourage à rentrer au Conservatoire de la ville. La fillette, à l’oreille absolue, devient l’élève d’un des disciples d’Alfred Cortot, une légende du piano français. De sa jeunesse, elle garde « des années studieuses, sans vraiment de loisirs ». À peine adolescente, elle est admise au Conservatoire de Paris. Précoce, c’est l’une des étudiantes les plus jeunes de sa classe mais Vanessa Wagner, met un point d’honneur à ne pas être vue comme « une enfant prodige ». À 17 ans, elle obtient le prix du Conservatoire national supérieur de musique de Paris et rentre en cycle de perfectionnement. Deux ans, plus tard, son cursus de « musicienne classique » terminé, elle veut trouver son chemin artistique, « Je me suis sentie bridée dans une voie pas vraiment choisie, mon métier de pianiste ne m’a pas toujours rendue heureuse. » Depuis une quinzaine d’années, la musicienne, à la grâce mystérieuse, s’affranchit des codes et trouve son chemin de liberté pour jouer ce dont elle a envie. Un parcours artistique, à son image, singulier et inattendu, qui va de la musique baroque jusqu’au répertoire électro. Une ambivalence aujourd’hui assumée « J’ai besoin de tester des choses différentes, j’ai par exemple, pratiqué le yoga pendant des années, ça m’a gonflé, maintenant je fais de la musculation. »

« Je ne suis pas sûre d’être optimiste quant à l’avenir de notre monde »

Plus jeune, elle se rêve avocate pour « défendre de grandes causes ». Quelques années plus tard, après avoir vu un documentaire sur les conditions de transportdes animaux vers les abattoirs, elle devient végétarienne et enrichit sa réflexion sur le sujet. Elle lit, entre autres, Theodor W. Adorno et Jonathan Safran Foer qui « s’emparent de ces questions éthiques et philosophiques ». La musicienne multiprimée, devient alors « une militante végane hardcore, assez extrême », un peu « relou » diront même ses deux garçons. Le temps passe, et elle tempère aujourd’hui son jugement et sa façon de vivre «  J’étais trop control freak, c’était épuisant. » La soliste, aussi très concernée par les sujets environnementaux, essaye autant que possible d’être cohérente avec ses convictions écolos et son métier en privilégiant une slow carrière, « arrêter d’être dans un flux ininterrompu de concerts comme dans les années 80 où la mode était de brûler du kérosène, prendre un jet pour aller jouer à New York et le lendemain à Tokyo. » Elle conclut notre entretien, d’une voix moins confiante, « Je ne suis pas sûre d’être optimiste quant à l’avenir de notre monde » avant d’ajouter avec un regard mélancolique « j’essaye quand même de préserver une certaine joie de vivre. »

VANESSA WAGNER 
Pianiste-soliste
Prochains concerts à retrouver sur son site officiel ici

 

Mots : Jessica Bros 
Photographies : Alizée Bauer

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