Joe Holles, les graines de l’olivier sauvage

Joe Holles, directeur de l'innovation et de la durabilité au domaine Son Moragues à Majorque, se consacre depuis cinq ans au maintien et à la production d'un modèle d'agriculture régénératrice à partir d'oliviers sauvages

« Cette culture en terrasse, adoptée dans toutes les parties de l’île que les pluies et les crues subites des ruisseaux menacent continuellement, est très-favorable aux arbres, et donne à la campagne l’aspect d’un verger admirablement soigné. » George Sand. Un hiver à Majorque

Typique des paysages montagneux en Méditerranée la Serra de Tramuntana est passée de terre hostile à fertile. Foulée (on parle bien de la terre ?) par les pieds des Phéniciens puis ceux des Romains, des Maures pendant 400 ans et aujourd’hui ceux des Catalans, tous se sont évertué à domestiquer la montagne jusqu’à la création de jardins d’Éden suspendus. C’est au Moyen Âge, que les systèmes de terrasses et leurs acequia, canaux d’irrigation, ont vu le jour. En 2011, la Serra de Tramuntana et son paysage typique font leur entrée au Panthéon. Elle devient chasse gardée et est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Mais revenons à nos moutons…

« La culture de l’huile d’olive a complètement transformé la Tramuntana » 

Majorque, Joe Holles, contremaître de Son Moragues, nous attend au volant de sa vieille Defender, qui grimpe comme un cabri les chemins escarpés et saillants de la montagne. Une fois passé le vertige et chahutés par les virages doux, nous conversons de leur modèle agricole, basé sur une culture régénératrice qui a su préserver 60 hectares d’oliviers, dont les jeunes pousses au pied de l’arbre, sont nettoyées par le cheptel des moutons. Un tel joyau naturel invite à la contemplation, « la culture de l’huile d’olive a complètement transformé la Tramuntana. » À l’époque, « Il était très difficile de cultiver ou planter quoi que ce soit, la région étant très exposée aux envahisseurs, pirates ou ennemis. » Des millions d’oliviers sauvages ont été ainsi greffés en pleine montagne. La terre n’étant pas assez profonde, les pousses se sont faufilées entre les fissures et les rochers, jouant ainsi de leurs atouts : robustesse et résistance. Par ailleurs, dans la pure tradition majorquine, les petits-fils des payēs (paysans) se voyaient attribuer des propriétés près de la côte, quant aux plus riches, ils siégeaient l’été (et l’hiver) en pente douce, dans les montagnes. « Aujourd’hui, la situation s’est complètement inversée » sourit-il. « Ces possessiones majorquines dédiées à l’agriculture, l’élevage, l’apiculture, la chasse ou l’exploitation forestière, ont permis d’asseoir la richesse de l’île, pendant près de 5 siècles.

Son Moragues, avec sa ligne de produits Sonmo, est un possessiõ, traversée par plus de 700 ans d’histoire. Des figures illustres y ont séjourné, comme l’archiduc Louis Salvador d’Autriche, l’impératrice Sissi ou encore Jules Verne, qui s’est inspiré des grottes du Drach de Majorque pour son ouvrage Voyage au centre de la Terre. Aujourd’hui elle est un modèle d’agriculture régénératrice et biologique. Alliant traditions séculaires et technologie moderne, Sonmo produit le nectar des huiles d’olives biologiques, 10 à 15 000 litres par an. Une petite production, comparée aux nouvelles plantations de la plaine, mais qui reste le principal producteur d’huile d’olive majorquine de l’île.

Un grand pari réussi, car tout le monde doutait, « les olives sauvages sont toutes petites et il en reste très peu, quand on les presse. » Les défis journaliers sont multiples, fertiliser la terre, nettoyer les racines des arbustes, une tâche qui incombe à nos amis les moutons et enfin batailler contre l’oxydation des olives qui engendre la perte de vitamines, polyphénols et autres bienfaits. Entourés de 60 hectares d’oliveraies ancestrales et de 50 kilomètres de terrasses, bluffés nous sommes, du haut de nos terrasses-perchoirs, où pousse le jardin-potager de la finca, où s’écument les vagues de la Méditerranée et flâne le vent des polarités. Arrêt sur image, un pique-nique avec vue sur mer et différents crus d’olives nous tendent les bras para chuparse los dedos, traduisez : à s’en lécher les doigts. Nous apercevons un réservoir d’eau d’époque et des canaux d’irrigation des terrasses, venant nourrir le jardin végétal. Les précipitations annuelles dans la Serra sont presque trois fois supérieures à celles du sud de l’île de Majorque et l’utilisation de cette ressource hydrique est essentielle pour cette région, mais aussi parce qu’elle alimente de nombreuses nappes aquifères utilisées par le reste de l’île.

« Je suis un optimiste joyeux, mais je suis triste du monde qui attend mes deux enfants  » 

Petite digression au passage, Joe nous confie que comme la culture des oliviers, les enfants d’aujourd’hui se doivent d’êtreheureux car résilients ou vice et versa, à savoir conscients de la beauté du vivant. À la question, quelle est votre humeur pour le futur, notre conducteur chevronné sourit, « Je suis très positif, un optimiste joyeux, mais je suis triste du monde qui attend mes deux enfants. » La lutte continue. En développant l’oléotourisme, Sonmo, entend persuader ceux qui doutent encore que cultiver des olives sauvages puisse avoir un intérêt et souhaite convertir d’autres fincas pour créer un effet papillon, grâce à ce nouvel environnement agroculturel. Ne manquez pas la randonnée, suivie d’une dégustation jusqu’au refuge, une vue qui vous emmène au 7e ciel.

SONMO

Av. Lluis Salvador Cilimingras s/n

07170 Valldemossa

infosm@sonmoragues.com

Mots: Ingrid Bauer

Photos : Alizée Bauer 

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