Marcella Echavarriá, et au milieu naît un tissu de la terre, du soleil et de la pluie
Marcella Echavarría pourrait se retourner sur son parcours déjà riche et singulier mais on le sent elle a plutôt choisi de regarder vers l’avenir et vers la suite chatoyante et brillante qui l’attend. Rencontre enveloppante avec une femme qui a su s’inspirer de la tradition pour proposer sa vision tout en puissance, simplicité et modernité.
Marcella est née et a été élevée en Colombie. À l’époque la tradition artisanale très forte et riche de ce pays est comme mise en sommeil au profit des productions et de la culture essentiellement américaine. Vêtements, références artistiques, chansons, films tout vient des États-Unis. Sa mère designer textile et artiste résiste et continue à valoriser le travail de la main en confectionnant les robes à smocks et autres vêtements de la petite Marcella. C’est incontestablement de cette époque que lui vient sa passion pour les tissus et matières, le travail à la main et l’artisanat en général. Une passion dont elle a fait sa marque de fabrique à travers ses différents métiers où affleurent partout son œil affuté pour la beauté et sa connaissance encyclopédique du textile constituée au cours de ses nombreux voyages. Ainsi Marcella fait de la photographie notamment pour documenter des savoir-faire artisanaux souvent ancestraux qui tendent à disparaître. Elle a par ailleurs cofondé XTant le premier rassemblement mondial autour du savoir-faire textile pour tous les amateurs, artisans, collectionneurs, architectes, fabricants etc. qui a lieu chaque année à Majorque. À la tête de sa propre entreprise, elle est aussi consultante dans la communication à destination notamment de marques de confection, sans oublier ses fonctions de rédactrice et directrice artistique pour différents magazines prestigieux comme Selvedge ou Harper’s Bazaar. Le point commun de toutes ses activités qu’elle mène de front ? Mettre en valeur la beauté et l’histoire du travail de la main à travers des savoir-faire qui ont du sens et dont elle aime raconter l’histoire. Et en effet cette titulaire entre autres d’un master en développement durable n’a jamais tergiversé avec la question des valeurs. Elle avoue une grande anxiété à voir se réaliser sous ses yeux toutes les prédictions alarmistes des scientifiques par rapport au changement climatique de manière finalement si brutale. « L’Europe est encore malgré tout relativement épargnée dans le flot des grandes catastrophes naturelles mais la question de l’eau dans d’autres régions du monde et notamment en Amérique du Sud est d’ores et déjà un enjeu majeur. » Le respect de la nature, le choix limité de matières nobles, qualitatives et produites dans le respect des hommes et de leurs cultures lui tient à cœur. Un credo qui va en quelque sorte constituer un destin pour elle.
Ainsi alors qu’elle travaille pour la somptueuse marque Norlha sur le plateau tibétain et enchaîne les allers et retours depuis New York avec escale à Pékin, elle entre un soir dans un restaurant à l’ambiance tamisée et tombe en arrêt sur une femme portant une matière qui semble littéralement palpiter et vibrer. Elle se renseigne et découvre très vite grâce notamment à la traductrice qui l’accompagne qu’il s’agit de « Mud Silk ». Une matière qui conciliera presque magiquement son amour du textile et de ses savoir-faire uniques qu’elle a toujours eu à cœur de célébrer.
Petit arrêt sur cette matière totalement unique et naturelle, véritable textile patrimonial avec ses 2 500 ans d’histoire. On la traduit par soie gommée, à la boue ou de Canton c’est une soie bicolore dans les tons bruns-noirs puis orangés et fauves qui alterne entre le mat et le brillant. Ce terme de boue n’est pas anodin puisque la nature et notamment la boue d’une rivière (la Pearl River soit littéralement « la rivière des perles ») dans la province du Guangdong, ainsi qu’un tubercule aux propriétés médicinales le Yan-Dioscorea (tubercule de gambier) jouent tous les deux un rôle dans sa conception et ses teintes absolument uniques. Le tubercule est séché, broyé puis bouilli jusqu’à ce qu’il colore l’eau de sa belle teinte orangée. La soie blanche est alors trempée pour absorber la couleur puis séchée au soleil et au vent. Une fois le tissu sec, il va être recouvert d’une boue provenant de la rivière très riche en fer et qui a la particularité de se lier à la soie pour lui donner cette texture laquée tout à fait particulière. Le résultat c’est que la matière qui en résulte semble littéralement s’adresser à tous nos sens avec son côté chatoyant, bruissant et son toucher unique finalement plus liquide que textile. Marcella en ramène un coupon et décide de s’en faire une tunique à la forme épurée afin de mettre en avant le caractère exceptionnel du tissu. La suite c’est un engouement absolu de tout son entourage pour cette pièce fascinante. Avons-nous précisé que l’entourage comprend la célèbre Donna Karan ? Marcella décide alors de créer sa marque et une fois de plus c’est vraiment le tissu et son histoire quasi magique qu’elle veut mettre en valeur. Le nom sera précis et explicite : Noir Mud Silk ; les formes seront intemporelles et adaptées à toutes les saisons, le tout dans des tailles uniques qui conviennent à toutes lesmorphologies. On retrouve ainsi des tuniques, des jupes longues, des pantalons droits, aux formes épurées car rien ne doit détourner l’attention de la majesté de ce tissu auquel la nature dans son ensemble semble avoir donné vie.
Une découverte en forme de Big Bang donc pour Marcella qui a décidé de raconter à travers sa marque cette longue histoire d’une cohabitation fructueuse entre la nature et l’homme et qui a à cœur non seulement de transmettre ce savoir-faire mais surtout de le préserver. Ses pièces exceptionnelles seront disponibles au cours de plusieurs pop up stores à New York et Santa Fe cet été ainsi qu’à Paris en septembre. Un tissu migrateur qui a trouvé sa plus belle compagne de voyage en la personne de Marcella.
MARCELLA ECHAVARRIĀ
Fondatrice Noir Mud Silk / Artisanat de luxe
Découvrir Noir Mud Silk
Mots: Audrey Demarre
Photos: Alizée Bauer pour Hum media
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