Philibert Humm

Philibert Humm, écohéros malgré lui

Philibert Humm, l’écrivain-voyageur kilomètre zéro, a reçu le prix Interallié 2022 pour Roman Fleuve, en novembre dernier. Rencontre avec ce journaliste hors repère, pour une conversation à bâton rompu sur sa vie, son œuvre et ses (nano) aventures.

Il est 5 heures, Paris s’éteint. Nous avons mis le cap vers un de ses lieux fétiches, un bar, dont il a consacré le guide : La Micheline (parodie de son alter ego masculin) faisant état de tous les cafés de campagne de France, troquets, rades, bistrots…en voie d’extinction. Nous appelons à témoigner au bar : l’Aventurier « à la petite semaine », le roi du calembour, le journaliste reporter à Paris Match, le bien nommé Philibert Humm. Non vous ne rêvez pas, nous portons le mème nom mais pas pour les mêmes raisons. Le bar est bondé, le brouhaha bat son plein, le bouton rouge de l’enregistrement clignote, l’entretien démarre, histoire de ne pas en perdre une miette.Sa bière à la main, notre thé au jasmin bouillant d’impatience d’en connaître un peu plus sur notre invité. Celui qui nous avait fait rire pendant 201 pages à la lecture de son roman fleuve, dans lequel il réalise l’exploit de suivre le cours de la Seine, par voie de canoë pour se jeter dans les bras de la mer, et ce avec 2 autres comparses, qui à eux trois n’ont pas le pied marin.Alors qui se cache derrière cet énergumène ?  

« JE SUIS ÉCOLO MALGRÉ MOI, JE N’AI PAS D’IPHONE ET J’AI REVENDU MON HUMMER » 

Âgé de 32 ans, ce prodige aime « passer du coq à l’âne », son métier de reporter au Match lui permet d’assouvir sa passion. Des pêcheurs-ligneurs de Bretagne aux coulisses des Miss France à la Réunion, reportages et écriture tapissent son parcours éclectique. Sans jugez personne, Philibert écope les bars, rencontre des gens et voyage depuis chez lui, une petite librairie à coucher sous les toits, avec fenêtre sur cour. Le joueur de mots est un ovni au sein de sa famille de l’Ouest parisien ou comme il aime dire « une concrétisation du grain de folie enfouie chez son père ». Héros malgré lui dans son livre, il est aussi « écolo malgré lui » dans la vie. Il y a 10 ans, il jette son dévolu sur le 10ème arrondissement et l’annexe comme sa terre d’aventures. Loin du territoire de la vantardise, il avoue préférer son Alcatel à un IPhone, aimer tout ce qui est démodé, se fournir dans le vestiaire de famille et poursuit-il : « Je n’ai pas de voiture, j’ai revendu mon Hummer ». Quelques lampées de bières plus tard, Philibert nous confie que sa grand-mère était atteinte du syndrome de Diogène et gardait tout absolument tout. Cet atavisme familial expliquerait donc son désintérêt pour le monde matériel. Quant à son mobilier, il le chine à travers ses déambulations : un bar qui ferme, un théâtre qui se débarrasse de son lot de chaises…  

 

« ON PEUT ÊTRE UN HÉROS AUJOURD’HUI SANS VISITER LA TERRE » 

« Aventurier en carton », il se qualifie aussi comme « le Claude Levi Strauss en chaussettes ». En toile de fond de son roman, il se moque gentiment de la figure de l’aventurier : « il y a un truc grandiloquent dans ces grands voyageurs qui m’agace un peu ». Pour lui, l’aventure avec un grand ou petit A ne se mesure à l’exploit qu’on fait ; Une personne qui lui raconte avoir fait l’ascension du Kilimandjaro, le tout, en chaussettes, à cloche pied et en apnée, le laisse sans voix ni loi. Aucune émotion en vue chez Philibert à l’écoute d’un tel récit. L’autodérision est à ses yeux un des traits de caractère les plus louables. A ce sujet, nous évoquons sa profonde amitié avec Sylvain Tesson, l’aventurier des grands chemins. Alors oui, leur relation tient à l’amour des levées de coude et des rencontres humaines, mais pas seulement. « Ce que j’aime chez lui, c’est qu’il peut se moquer de lui-même ». Pas de crise d’égo chez nos deux francs-tireurs du vagabondage. « On peut être un héros aujourd’hui sans visiter la Terre ». Lécrivain-(nano) voyageur raconte qu’un soir de Noël (le 24 décembre) il a séché les festivités en famille pour entreprendre la plus courte odyssée de l’histoire. Son plan : rallier l’arche de la Porte St Martin à celle de la Porte St Denis, soit 60 mètres de dénivelé plat. Un voyage au bout de la nuit, qu’il a entrepris avec délectation et lui a permis de visiter tout un écosystème différent. Fernando Pessoa n’aurait pas fait mieux.   

« LE VOYAGE EST COMME LA LITTERATURE, PRETEXTE A LA CAMARADERIE » 

Son livre s’inspire du roman comique :  Trois hommes dans un bateau, sans oublier le chien, datant de la fin du XIXème siècle. L’histoire met en scène l’épopée de trois gentlemen qui remontent la Tamise depuis Londres. « Ils sont très sympathiques mais inaptes. Je me suis dit qu’il fallait être l’héritier de ces marins en herbe » Drôle et léger sont les maîtres mots de Roman Fleuve que vous ne lâchez pas d’une semelle de peur que les aventures cocasses de Philibert & co et son canot « Bateau », ne tombent pas à l’eau. « Le voyage est comme la littérature, prétexte à la camaraderie ». Les explorations de maître Philibert sont des fabriques à souvenirs de voyage entre amis. Deux ans après son aventure fluviale, le piètre aventurier a remis son canoë à l’eau pour son ami Sylvain Tesson et Daniel Du Lac, le grimpeur hors-pair. Ces derniers, en tenue d’Arsène Lupin, ont éradiqué le dernier bastion nazi de France. En effet, depuis l’occupation, les 25cm2 du sommet de l’Aiguille creuse d’Étretat avait été gravie par une dernière de cordée allemande, qui selon la loi était sous le joug du Troisième Reich. « J’adore vivre ces micro-aventures entre copains ».  

« J’AVANCE DANS LA VIE EN MYOPE » 

Impatients de connaître la suite de ses pérégrinations, nous voulons en savoir un peu plus quant à ses futurs projets… Sans véritable plan de carrière, « j’avance dans la vie en myope », le trublion du calembour, nous divulgue un SCOOP. Le suspense est à son comble…Son prochain roman s’appellera Roman de gare. (Rires). La question “Bernard Pivot“ annonce la fin de notre rencard… « Enchanté de faire votre connaissance, on m’a beaucoup parlé de vous », répond-il avec ses moustaches narquoises à l’appel de Dieu. Le bruit et la fureur du café se dissipent. Philibert et sa verve ne tarissent pas. La tendance à l’uniformisation du voyageur le pousse à vagabonder à contre-courant. Nous abondons dans son sens. Quelques grammes de folie dans ce monde de brutes, nous voilà ébaubis et séduits par ce jeune écrivain à la plume vivace et désirable !  

PHILIBERT HUUM

31 ans 

Journaliste-reporter Paris Match. Écrivain 

Prix Interallié 2022. Roman Fleuve 

Mots : Ingrid Bauer
Photos: @alizeebauer

Mots : Ingrid Bauer
Photos: @alizeebauer

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