Matthias Biberon l’Arte Povera à dimensions variables

Sensible, loin d’être futile, fragile, discret, des silences chuchotent à nos oreilles ces nuages de mots. Ibiza, un jour d’automne ou d’hiver (y’a plus de saison ma bonne dame !) où le soleil joue à cache cache dans la galeria Tambien, où nous sommes ici et maintenant venus rencontrer l’énigmatique artiste-artisan ou vice versa, Matthias Biberon, qui nous conte son art de vivre à la japonaise.

La photographie m'a aidé à regarder et à composer.

Artiste protéiforme, ancien photographe ayant capturé des images d’architecture, il fait un passage les mains dans la terre en tant que céramiste, puis se laisse porter par l’art du bois ancien d’ébénisterie; « La photographie m’a aidé à regarder et à composer. », chaque cliché est une note, chaque composition un refrain qui résonne dans le bois sculpté avec une grâce infinie, une symphonie d’art et de vie. Sous le ciel doux du Perche, là où le temps semble s’étirer en harmonie avec les collines verdoyantes, Matthias Biberon a tissé son histoire artistique, dans « le drôle de village », de la Ferté-Vidame. « L’architecture est rigolote » souligne Alicia, sa muse et complice, avec qui il partage sa vie depuis plus de 15 ans, où les ruines du château trônent en pleine campagne, témoins de la Révolution française.

Je n’ai pas de voiture, ni le permis et je ne fais pas de tourisme

Matthias façonne du mobilier hors du temps. Au début avec les planches de la grange de son grand père, qu’il avait stockées 15 ans auparavant, puis avec celles issues de « stocks dormants » de scieries abandonnées, il sculpte des œuvres sensibles, entre l’Art populaire et l’univers du Japon. Japon qu’il ne connait pas, « Je n’ai pas de voiture, ni le permis et je ne fais pas de tourisme. » mais qu’il a appris à connaître à travers la cérémonie du thé, les céramiques, les variations de saveurs et les films de Kurosawa. On peine à y croire, tant son art de vivre et son travail insufflent l’âme du soleil levant. Des bancs qui rasent le sol des tables basses au design minimaliste, des étagères ornées de fissures apparentes, symboles d’un esthétisme japonais, le Wabi-sabi. « Je n’aime pas ce mot, il est galvaudé. », renchérit Matthias. Cependant, il célèbre, malgré lui, dans chacune de ses pièces sculptées, l’imperfection et la beauté éphémère. « Cette notion est née au XVIIe siècle, avec la cérémonie du thé et des moines Zen. » Un souffle d’air balaie la galerie, la nuit commence à nimber le village de Santa Gertrudis, c’est l’heure du thé. L’artisan à la main intelligente, sort de son sac une pochette renfermant des trésors : une théière, une cuillère en bois, des mini tasses et quelques grammes de thé vert, du Gyokuro, une variété qu’il se procure chez son amie Laurence, travaillant uniquement avec des thés rares, récoltés selon des méthodes traditionnelles. La cérémonie du thé, chère à notre protagoniste peut commencer. L’Odeur du Japon s’immisce dans nos narines… On pourrait définir Matthias comme sculpteur d’émotions. « Quand je fais des meubles, je revois et je sens mon passif de photographe. » Il laisse ses plateaux lui conter une histoire et se fie à son intuition, retranscrivant sa façon de vivre, de s’asseoir et de prendre son thé… « Plus besoin de discours, une table est une table, un bureau un bureau… » se targue l’autodidacte. Incapable de faire la différence entre un bois de chêne, d’orme, de cèdre, ou encore de noyer, « je ne savais pas reconnaître les essences de bois », Matthias nous raconte ses débuts et comment il s’est frayé son chemin en tant qu’artiste-ébéniste. Une amie lui propose de séjourner sur l’île de Stagadon. Située au large des côtes du Morbihan et là où siège l’association du Père Jaouen, œuvrant à la réinsertion de jeunes délinquants, ce morceau de terre de seulement 4 hectares l’a accueilli pendant une semaine puis adopté pour 6 mois. Un parcours solitaire où il a travaillé sur le chantier naval à réparer des voiliers. Une fois les bateaux réparés, les jeunes partent faire le tour du monde. Là-bas, « tu apprends les choses de la vie, la mécanique, la menuiserie, la pêche et le potager ». De retour à Paris, il rencontre celle qui va l’accompagner durant son parcours d’artisan, Alicia, antiquaire.

Je suis écolo sans le vouloir

« Je suis écolo sans le vouloir. », avoue Matthias. « Quand j’avais 25 ans, mes amis politisés me qualifiait déjà de décroissant. » Pour lui il ne s’agit pas de surfer sur une tendance ou de vivre sous la contrainte, en fournissant des efforts. Au contraire, sincérité et naturel rythment son art de vivre à la japonaise, conforté quand il découvre le livre d’Axel Vervoordt, sur le Wabi-sabi, liant l’univers de l’art à celui de la maison. Ce qui pousse l’ébéniste en herbe à créer des « objets qui ont une pensée derrière eux ». Pas de dessin ou croquis préalables pour cet adepte du banc, qui n’aime ni les chaises, fauteuils, ou canapés, mais pense pourtant à créer un tabouret. Le geste de la simplicité émane de ces pièces, pour offrir une danse entre l’éphémère et l’éternel. Reprenant les mots de Robert Filliou, « L’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art. », Matthias s’inspire des mouvements qui lui tiennent à cœur, comme l’Arte Povera ou encore le Mono-ha, un collectif d’artistes dont Lee Ufan proposant une rencontre de matières en lien avec l’esprit wabi. Son travail a cependant évolué. Avant « ses œuvres étaient plus sculpturales et moins assemblées », se souvient Alicia. L’artiste au regard ténébreux adore les cailloux, les pierres. Il mêle la froideur du schiste trouvé dans les carrières abandonnées des Pyrénées, avec la chaleur du bois ancien aux essences made in France. Tous les dimanches matins, les jours de marché, le couple d’esthètes, accueille dans leur galerie-boutique « À dimensions variables », leurs clients et amis, pour boire un thé ou écouter des airs de musique indienne ou iranienne, le son de John Cage ou le jazz de Don Cherry. Ce lieu de vie leur va si bien tout en incarnant leur amour pour l’art et l’artisanat. Prochain rendez-vous avec Matthias et ses œuvres singulières à Paris, pour le PAD du Printemps. On a hâte !

MATTHIAS BIBERON

Woodworker

Artiste résident à la Galerie Tambien. Ibiza

Prochaine exposition : PAD Paris 2024

 

Galerie-boutique. À dimensions variables

Morceaux choisis de Alicia et œuvres de Matthias Biberon

Ouvert le dimanche matin, sur rendez-vous et par hasard. 

 

Mots & photos :Ingrid Bauer 

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Matthias Biberon l’Arte Povera à dimensions variables

Sensible, loin d’être futile, fragile, discret, des silences chuchotent à nos oreilles ces nuages de mots. Ibiza, un jour d’automne ou d’hiver (y’a plus de saison ma bonne dame !) où le soleil joue à cache-cache dans la galeria Tambien, où nous sommes ici et maintenant venus rencontrer l’énigmatique artiste-artisan ou vice versa, Matthias Biberon, qui nous conte son art de vivre à la japonaise.

Artiste protéiforme, ancien photographe ayant capturé des images d’architecture, il fait un passage les mains dans la terre en tant que céramiste, puis se laisse porter par l’art du bois ancien d’ébénisterie; « La photographie m’a aidé à regarder et à composer. », chaque cliché est une note, chaque composition un refrain qui résonne dans le bois sculpté avec une grâce infinie, une symphonie d’art et de vie. Sous le ciel doux du Perche, là où le temps semble s’étirer en harmonie avec les collines verdoyantes, Matthias Biberon a tissé son histoire artistique, dans « le drôle de village », de la Ferté-Vidame. « L’architecture est rigolote » souligne Alicia, sa muse et complice, avec qui il partage sa vie depuis plus de 15 ans, où les ruines du château trônent en pleine campagne, témoins de la Révolution française.

Matthias façonne du mobilier hors du temps. Au début avec les planches de la grange de son grand père, qu’il avait stockées 15 ans auparavant, puis avec celles issues de « stocks dormants » de scieries abandonnées, il sculpte des œuvres sensibles, entre l’Art populaire et l’univers du Japon. Japon qu’il ne connait pas, « Je n’ai pas de voiture, ni le permis et je ne fais pas de tourisme. » mais qu’il a appris à connaître à travers la cérémonie du thé, les céramiques, les variations de saveurs et les films de Kurosawa. On peine à y croire, tant son art de vivre et son travail insufflent l’âme du soleil levant. Des bancs qui rasent le sol des tables basses au design minimaliste, des étagères ornées de fissures apparentes, symboles d’un esthétisme japonais, le Wabi-sabi. « Je n’aime pas ce mot, il est galvaudé. », renchérit Matthias. Cependant, il célèbre, malgré lui, dans chacune de ses pièces sculptées, l’imperfection et la beauté éphémère. « Cette notion est née au XVIIe siècle, avec la cérémonie du thé et des moines Zen. » Un souffle d’air balaie la galerie, la nuit commence à nimber le village de Santa Gertrudis, c’est l’heure du thé. L’artisan à la main intelligente, sort de son sac une pochette renfermant des trésors : une théière, une cuillère en bois, des mini tasses et quelques grammes de thé vert, du Gyokuro, une variété qu’il se procure chez son amie Laurence, travaillant uniquement avec des thés rares, récoltés selon des méthodes traditionnelles. La cérémonie du thé, chère à notre protagoniste peut commencer. L’Odeur du Japon s’immisce dans nos narines… On pourrait définir Matthias comme sculpteur d’émotions. « Quand je fais des meubles, je revois et je sens mon passif de photographe. » Il laisse ses plateaux lui conter une histoire et se fie à son intuition, retranscrivant sa façon de vivre, de s’asseoir et de prendre son thé… « Plus besoin de discours, une table est une table, un bureau un bureau… » se targue l’autodidacte. Incapable de faire la différence entre un bois de chêne, d’orme, de cèdre, ou encore de noyer, « je ne savais pas reconnaître les essences de bois », Matthias nous raconte ses débuts et comment il s’est frayé son chemin en tant qu’artiste-ébéniste. Une amie lui propose de séjourner sur l’île de Stagadon. Située au large des côtes du Morbihan et là où siège l’association du Père Jaouen, œuvrant à la réinsertion de jeunes délinquants, ce morceau de terre de seulement 4 hectares l’a accueilli pendant une semaine puis adopté pour 6 mois. Un parcours solitaire où il a travaillé sur le chantier naval à réparer des voiliers. Une fois les bateaux réparés, les jeunes partent faire le tour du monde. Là-bas, « tu apprends les choses de la vie, la mécanique, la menuiserie, la pêche et le potager ». De retour à Paris, il rencontre celle qui va l’accompagner durant son parcours d’artisan, Alicia, antiquaire.

« Je suis écolo sans le vouloir. », avoue Matthias. « Quand j’avais 25 ans, mes amis politisés me qualifiait déjà de décroissant. » Pour lui il ne s’agit pas de surfer sur une tendance ou de vivre sous la contrainte, en fournissant des efforts. Au contraire, sincérité et naturel rythment son art de vivre à la japonaise, conforté quand il découvre le livre d’Axel Vervoordt, sur le Wabi-sabi, liant l’univers de l’art à celui de la maison. Ce qui pousse l’ébéniste en herbe à créer des « objets qui ont une pensée derrière eux ». Pas de dessin ou croquis préalables pour cet adepte du banc, qui n’aime ni les chaises, fauteuils, ou canapés, mais pense pourtant à créer un tabouret. Le geste de la simplicité émane de ces pièces, pour offrir une danse entre l’éphémère et l’éternel. Reprenant les mots de Robert Filliou, « L’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art. », Matthias s’inspire des mouvements qui lui tiennent à cœur, comme l’Arte Povera ou encore le Mono-ha, un collectif d’artistes dont Lee Ufan proposant une rencontre de matières en lien avec l’esprit wabi. Son travail a cependant évolué. Avant « ses œuvres étaient plus sculpturales et moins assemblées », se souvient Alicia. L’artiste au regard ténébreux adore les cailloux, les pierres. Il mêle la froideur du schiste trouvé dans les carrières abandonnées des Pyrénées, avec la chaleur du bois ancien aux essences made in France. Tous les dimanches matins, les jours de marché, le couple d’esthètes, accueille dans leur galerie-boutique « À dimensions variables », leurs clients et amis, pour boire un thé ou écouter des airs de musique indienne ou iranienne, le son de John Cage ou le jazz de Don Cherry. Ce lieu de vie leur va si bien tout en incarnant leur amour pour l’art et l’artisanat. Prochain rendez-vous avec Matthias et ses œuvres singulières à Paris, pour le PAD du Printemps. On a hâte !

MATTHIAS BIBERON

Woodworker

Artiste résident à la Galerie Tambien. Ibiza

Prochaine exposition : PAD Paris 2024

Boutique : À dimensions variables

Morceaux choisis de Alicia et œuvres de Matthias Biberon

Ouvert le dimanche matin, sur rendez-vous et par hasard

 

Mots & Photos : Ingrid Bauer

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