Eguzkine, la terre sous le volcan
Rencontre avec une céramiste qui a choisi de mettre ses mains au service d’un hommage à la beauté sauvage de son île d’adoption : Lanzarote.
Eguzkine céramiste installée à Lanzarote est une personne qui ne se laisse pas facilement décrire. Elle hésite à expliquer, à décrire ou à trop intellectualiser sa démarche, sa pratique ou ses techniques. On pourrait croire qu’elle a le goût du secret mais on se rend vite compte que cela tient plutôt à sa façon de travailler et d’appréhender la matière. L’intuition est son seul guide et chaque pièce est l’occasion de réinterroger sa manière de faire. La nature est sa source, déclare-t-elle, comme si ça allait de soi, elle ajoute qu’elle s’y abreuve tous les jours sans exception. Nous sommes loin de la nature figurante que l’on viendrait convoquer au besoin pour trouver l’inspiration.
En effet à Lanzarote terre volcanique et sauvage, la nature se fait entendre avec force dans ses rythmes, ses impulsions parfois violentes, dans la variété de ses paysages également. Cette nature on ne la contourne pas, on ne l’invite pas, elle s’impose partout. Les terres alternent le rouge et le noir créant un contraste saisissant avec le blanc immaculé des maisons typiques et le bleu azur de la mer. C’est cette île à la beauté spectaculaire et brute qu’Eguzkine a élu comme terre d’accueil il y a 25 ans afin d’y établir son atelier de céramiste.
Dans une vie précédente elle était archéologue chargée de réparer ou de reproduire les pièces trouvées lors de ses fouilles. Eguzkine rentrait alors dans un dialogue muet et sensible avec l’objet pour le comprendre. Son rôle : identifier les matières qui le composaient et se mettre littéralement à la place de celui ou celle qui l’avait façonné. Voilà pour les éléments biographiques, tout le reste il faudra le trouver ailleurs et pourquoi pas directement dans ses pièces. Face à ses productions on croit percevoir un rapport mimétique avec la terre qui les a engendrées et on identifie ici les nervures d’une feuille, ici des perles d’eau ou le bouillon de la lave en fusion. D’autres fois encore on se dit qu’Eguzkine a juste décidé de respecter et d’accompagner un processus par ailleurs naturel. Pour cela elle convoque les matières, les met en présence, observe leurs interactions, leurs réactions et puis oriente le cours des choses respectueusement afin de garder à la pièce son âme et son caractère spontané.
Chaque objet qui sort de l’atelier est donc incroyablement unique même si il peut s’inscrire dans une série. Parmi ces séries celle des « météorites » qui comprend vases, assiettes et bols et fait apparaître sur la porcelaine blanche des bulles bleutées ou noircies qui viennent subtilement épouser les contours des différentes pièces. Il y a également les séries « lune » ou « Lanzarote » qui sans surprise et avec toujours la même poésie déclinent les nuances de blanc et crème ou celles des noirs plus ou moins profonds et/ou lumineux. Les céramiques d’Eguzkine sont le fruit d’une conversation unique et subtile qu’elle entretient avec la nature dévorante qui l’entoure. C’est sûrement pour cela que les formes modelées semblent être des morceaux empruntés aux paysages avoisinants, petits miracles arrachés au temps et à l’espace.
Mots : Audrey Demarre
Photographies : Ingrid Bauer
Partager :