Marius Hamelot, Le Pavé dans la mare

Le cofondateur de LE PAVÉ nous ouvre les portes de son usine de panneaux de construction et nous livre sa vision de l’entrepreneuriat de demain.

Les rayons du soleil effleurent nos joues alors que nous remontons les quais d’Aubervilliers à vélo. Au détour d’une rue, derrière une grande porte, un panneau violet estampillé « Le Pavé », avec le logo d’économie circulaire, surplombe l’entrée de l’usine. Cheveux blonds, yeux verts assortis à sa veste, Marius Hamelot est encore en réunion lorsque nous frappons à la porte de son bureau. Quelques minutes plus tard, il nous tend des surchaussures et nous emmène tambour battant pour une visite de l’usine. 

Son discours est rodé : « Le Pavé est une start-up industrielle spécialisée dans la transformation de matières issues de déchets en panneaux pour la construction. Au départ, on voulait faire des dalles, mais on a vite réalisé que c’était compliqué, avec plein de normes et des volumes énormes à produire. » Cette usine pilote, à taille humaine, permet à l’équipe de tester de nouveaux matériaux et d’innover en permanence. La grande usine, elle, se situe à Allériot, en Bourgogne-Franche-Comté « où l’on fabrique des panneaux 100 % composés de déchets plastiques en se concentrant sur la matière et l’histoire qu’il porte.»  

« On nest pas designer, on nest pas architecte, on est fabricant de matériaux. »

Lancé en 2018 avec son ami d’enfance Jim Pasquet avec lequel il a grandi à Argentré-du-Plessis en Bretagne, l’entrepreneur a un objectif clair : transformer les déchets plastiques en matériaux de construction avec un procédé de fabrication unique, reposant sur la thermocompression. « On chauffe, on compresse, puis on refroidit la matière. » Pour y parvenir, ils mobilisent plusieurs compétences. La première étape consiste à sourcer les matières premières diverses et variées : bouteilles de shampoing, flacons de lessive, ou encore portes de réfrigérateurs. 

L’enjeu est de transformer ces déchets en matériaux esthétiques et durables, prêts à être utilisés dans une multitude d’applications :  revêtements muraux et de sol, plans de travail, mobilier et objets « Ce qui sort de l’usine, ce sont des panneaux de plastique ou de polystyrène 100 % recyclés, produits localement avec une certaine esthétique. » En déambulant dans l’usine, ce fils d’un couple d’architectes ne cesse de répéter : « C’est un peu le bazar. » On se dit qu’il a probablement hérité d’un petit côté maniaque, car nous, le désordre, on ne le voit pas.

« On exploite la matière première disponible avec un intérêt environnemental, on étudie les possibilités offertes et l’on travaille à rendre le matériau désirable pour les utilisateurs. »

En à peine six ans, 1 800 projets ont été réalisés grâce à Le Pavé et 900 tonnes de plastique recyclées. Le projet le plus pharaonique : les 11 000 sièges fabriqués pour les Jeux Olympiques 2024 « Les architectes ont choisi la couleur jaune pour personnaliser les sièges, et nous avons dû collecter 2 millions de bouchons pour obtenir la bonne teinte. » Un travail réalisé par un ESAT (Établissement et Service d’Aide par le Travail), car pour le jeune entrepreneur, les problématiques sociales sont indissociables de la vulnérabilité et des problématiques environnementales. Il cite l’ouvrage de Eloi Laurent Social-écologie, qui l’a largement inspiré. 

Quand on lui demande le projet qui lui tient le plus à cœur, il répond sans détour : « Les couteaux de la célèbre maison Jean Dubost, avec leur manche en plastique recyclé. C’est la preuve qu’une entreprise traditionnelle a la capacité d’intégrer l’innovation. » Nous, on a craqué pour le mini skateboard conçu par Pirouette x Fugu.

De son enfance bretonne entre ruralité et urbanité, il garde le doux souvenir de ses grands-parents agriculteurs, du temps passé à jouer dehors et à regarder des reportages animaliers sur National Geographic Channel. À l’adolescence, l’amour de la nature et l’ennui l’amènent à créer son premier projet d’entrepreneuriat : « une entreprise de réparation et de vente d’iPhones reconditionnés. On avait envisagé d’acheter des terrains de forêts pour replanter des arbres, afin de compenser l’impact carbone des accessoires qu’on achetait en Chine et qu’on vendait en France. » Avec un chiffre d’affaires avoisinant plusieurs milliers d’euros, Marius Hamelot est pourtant contraint d’arrêter pour des raisons administratives liées à son jeune âge « J’ai gardé cette frustration de ne pas avoir pu m’engager à fond dans un projet qui faisait sens pour moi. » 

Alors, après une école d’architecture à Versailles, il met toute son énergie à créer Le Pavé, en gardant à l’esprit que 60 % du bilan carbone d’un bâtiment sont dus aux matériaux employés. On connaît déjà la suite…

« Tout change, mais c’est enthousiasmant si l’on se met en action. »

Avec l’ambition de continuer à industrialiser et à développer de nouveaux matériaux pour proposer de nouvelles solutions, Marius cours après le temps. Alors, le temps qui lui reste, il le consacre à ses amis et à faire de l’apnée en Bretagne, parfois en Méditerranée «  l’eau y est moins trouble »Engagé à la scène comme à la ville, il essaie d’avoir une conscience environnementale sans tomber « dans le dogme, car ça crée de la frustration avec des effets collatéraux pas très constructifs . 

Il confie faire attention à ses trajets en avion, mais admet avoir recommencé à manger de la viande, avec parcimonie, après avoir été végétarien pendant trois ans. « J’essaie vraiment d’y aller à mon rythme et de m’améliorer au fur et à mesure. » À ce sujet, il nous invite à lire l’ouvrage de l’entrepreneur Charles Duhigg, The Power of Habit, qui prône d’associer l’effort à des récompenses pour que, progressivement, l’effort devienne une habitude durable sans nécessité de récompense. Alors voilà, pas besoin de pinailler, nous avons trouvé notre maître à penser !

MARIUS HAMELOT, entrepreneur, président, co-fondateur – LE PAVE®

LE PAVÉ

 

Mots : Jessica Bros 

Photos:  Alizée Bauer pour hum média

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