Anne Bianchi, la permacultrice des consciences
Nous sommes à Satnam Montmartre, chez Anne Bianchi, professeur de Kundalini yoga et sexothérapeute. Le Kundalini yoga, n’est pas un yoga comme les autres, il est celui de l’éveil de la conscience. Aujourd’hui éveiller sa conscience, harmoniser corps et esprit est la première foulée vers un voyage intérieur qui permet de s’ancrer à la Terre et renouer avec le vivant pour nous urbains mal léchés, déconnectés de notre environnement.
« J’étais un rat de bibliothèque fêtarde, un bel oxymore… »
Ceci n’est pas une salle de yoga. Hôtel particulier datant de 1835, doté d’une entrée majestueuse qui nous tire vers un escalier de bois vêtu avec en point d’orgue de lourdes portes néo-gothiques s’ouvrant sur un « sanctuaire de lumière ». Assises dans sa cuisine où trônent des statuettes, des photos de déités, nous parlons autour d’un chai, d’écologie intérieure, voire poursuit l’ancienne agrégée de littérature italienne, « d’ontologie ». Les lois d’ontologie ont trait à l’Être. Être ou ne pas être se demandait Hamlet. Telle est la question… Sans réponse encore aujourd’hui. Ce que nous savons c’est que la Nature nous nourrit et nous guide. Se mettre au rythme des lois de la nature, s’arrêter pour la contempler, observer non pas l’entre soi mais autour de soi, regarder l’Autre, être en accord avec le vivant, c’est définir l’exploration de notre monde intérieur. Parvenir au gré de pratiques spirituelles, à l’état de l’Être, en d’autres termes devenir des êtres à part entière du vivant ; tel est le destin de la belle Anne qui a passé toute son enfance dans la campagne Champenoise. Si la spiritualité telle qu’elle la voit aujourd’hui a pu lui manquer dans son enfance, elle reconnaît que l’amour porté par sa mère « pour son jardin, ses tomates ou ses fleurs » et par son père « pour les arbres, la forêt » était en réalité leur chemin de dévotion.
Le premier semis de sa spiritualité fut un voyage en Himalaya à l’âge de 18 ans. En 2010, coup de foudre à Marseille, où l’ancienne directrice de Be Magazine, croise le chemin du Kundalini yoga. Une amie lui ouvre la voie ; aujourd’hui, cette dernière s’est exilée dans les montagnes andalouses sans eau ni électricité, pour vivre en dehors des codes de la fureur urbaine. « Dans la spiritualité, et l’école du Kundalini yoga ne fait pas exception, on peut rencontrer des approches sectaires, dogmatiques, parfois figées, qui n’autorisent pas le questionnement », déplore-t-elle. L’approche de son enseignement se veut résolument « intégrative », bâtie autour de plusieurs piliers, existentiel, spirituel, sexuel et émotionnel. Sensible au soufisme, au taoïsme, au chamanisme, aux enseignements de Annick de Souzenelle, l’ex-journaliste, quitte le milieu de la presse pour se former à la sexothérapie et au yoga de l’énergie créatrice. « Mes quinze ans dans la presse étaient une expérience. »
La voie vers le sacré a toujours cheminé dans sa tête. Cette dernière travaille sans relâche : une vingtaine de consultations par semaine, des cours, ateliers, formations à Satnam et environ 6 retraites par an, organisées dans des lieux où la loi de l’émerveillement fait foi.
« aujourd’hui nous sommes dans une crise du lien… »
Paix et harmonie résonnent dans l’âme de la génératrice du féminin sacré. « Le monde est dépourvu de féminin », donc par effet papillon, déconnecté de la Terre Mère, celle qu’on appelle parfois Gaia. Or le féminin siège en chacun de nous, grâce à Mater, la matière, le corps. La dualité entre corps et esprit existe encore alors que dans la spiritualité « l’homme est l’univers. Il est féminin et masculin et le lien c’est l’énergie ». Suivant les préceptes de Buddha qui dit : « Commence par toi-même », l’inspirante enseignante, œuvre à l’image d’une abeille, pour la philosophie du colibri : « Je suis pour le petit pas. Je m’assois. Je pratique. Je coupe le son. Je coupe l’image. » Chaque action individuelle va créer ce changement à petite échelle. La spiritualité, en tant que telle, nous réapprend en tant qu’être fragmenté et désolidarisé du vivant, l’art du lien, avec l’Autre, la Nature et les animaux. « Aujourd’hui, nous sommes dans une crise du lien, déconnectés de nous-mêmes tout en étant surconnectés à nos écrans. » Les ravages de l’ère digitale ont eu raison de l’ère de l’imprimerie, celle de Gutenberg.
Malgré sa féminité assumée, Anne ne se proclame pas écoféministe : « Je n’aime pas les cases. » Son souhait : décloisonner et surtout éveiller les consciences vers le respect avec un grand R et éradiquer la course à la performance, à la productivité voire à l’orgasme ! ». Tendre vers un monde plus vertueux où le tout est sacré, dans la syntonie du vivant. Grâce au Kundalini qui met notre énergie créatrice et sensuelle au service du mouvement, nos masques tombent, nos illusions perdues s’amenuisent et nous retrouvons la vue, nos consciences s’éveillent. Les utopistes diront que la spiritualité peut sauver le monde. Et pour la thérapeute du divin, « c’est l’Amour… La réunion du corps et de l’esprit ».
Hummee Hum Brahm Hum : « Nous sommes un. Nous ne sommes pas des êtres humains vivant une expérience spirituelle, nous sommes des êtres spirituels vivant une expérience humaine. »
Une heure et des poussières de minutes plus tard, nous nous apprêtons à quitter la cuisine pendant que notre photographe préférée immortalise le beau studio, ses objets fétiches, son cabinet-bibliothèque de curiosités holistiques et tire le portrait de notre (Soul Sister) sœur Anne. Sur le pas de la porte, se glisse une petite confidence ; une version green de Satnam Montmartre, va ouvrir ses portes à 40 minutes de Paris, une aubaine pour ses clientes, devenues écolo-voyageuses coupables. Chemin faisant vers nos pénates, les mots d’un illustre mantra en Kundalini nous murmure à l’oreille : Hummee Hum Brahm Hum : « Nous sommes un. Nous ne sommes pas des êtres humains vivant une expérience spirituelle, nous sommes des êtres spirituels vivant une expérience humaine. » Satnam*
*Nota bene : le Satnam est un mantra de fermeture chanté 3 fois en fin de cours de kundalini. L’équivalent du son « Aum », le son universel, pour les autres types de yoga.
Mots : Ingrid Bauer
Photographies : Alizée Bauer
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