Diane Sorel, gardienne de la forêt de la Massane

La forêt est essentielle à notre vie sur Terre. Notre devoir ? La respecter, l’écouter, la regarder. Mais si elle est notre alliée, elle se suffit à elle-même. Cette libre évolution, c’est ce qui est appliqué dans la réserve de la Massane, bijou de naturalité classée au patrimoine mondiale de l’Unesco.

On peut dire que Diane Sorel est une elfe. Sa mission de chargée de communication scientifique a commencé il y a presque dix ans, dans cette forêt des temps anciens. Elle nous raconte avec passion que son patrimoine génétique a été évalué entre 6 000 et 8 000 ans d’âge mais il est fort probable qu’il se soit maintenu à partir de la glaciation, il y a près de 12 000 ans ! Elle aurait été par la suite une zone de recolonisation. On y a recensé pas moins de 10 500 espèces et des centaines d’arbres de plus d’un mètre de diamètre et parfois 32 mètres de haut. Pas étonnant que ces terres soient donc considérés comme une pièce précieuse du puzzle de l’Europe. On trouve encore les vestiges de l’ancienne exploitation de charbon, mais depuis maintenant 150 ans, ces 336 hectares s’expriment librement, sans l’intervention de l’homme. Ça nous remet un peu en place, pauvres diables que nous sommes… Tout cet écosystème n’a pas besoin de nous !

La Massane, patrimoine génétique de l’Europe

Ce projet écologiste avant l’heure, on le doit à un homme : Paul de Boischaut, un ingénieur du 19e siècle qui avait compris que préserver cette espace était essentiel. Et sa réussite se démontre factuellement, la forêt se débrouille mieux toute seule. On l’explique notamment par sa façon d’intégrer toutes les générations à son environnement : en marchant, on croise des arbres vigoureux, des jeunes pousses, des souches à terre… Et on contemple avec humilité cette régénération naturelle.  La notion de mort, loin d’être une fin en soi, fait même partie intégrante du cycle de sa vie : Le bois mort qui jonche les sols, c’est l’or de sa biodiversité. Il devient de la nourriture pour les uns, un abri pour les autres, une source de protection qui conserve l’humidité. «La mortalité est visible : on laisse nos arbres mourir quand ils arrivent en fin de vie. On laisse ensuite ce bois à terre, car les études ont montré que si vous l’enlevez, vous appauvrissez vos sols.» D’ailleurs, les étudiants et scientifiques viennent du monde entier pour découvrir cette terre fertile et rebelle, véritable laboratoire à ciel ouvert. Si elle est composée majoritairement de hêtres, il est possible que d’autres espèces se développent massivement en s’adaptant aux nouvelles conditions climatiques, à l’image de l’érable. C’est une autre force de ces bois millénaires : ils sont résilients et évoluent selon l’ère du temps.

Ne cherchez pas, vous ne trouverez point de guide pour vous narrer les contes de la Massane. On peut encore emprunter des chemins de randonnée balisés pour admirer la nature environnante mais il est interdit d’y proposer une activité commerciale. L’homme a pourtant laissé une empreinte forte dans l’équilibre de la réserve : la pollution. Car loin du shoot d’air pur fantasmé, on se trouve malheureusement dans une zone à la forte pollution à l’ozone et aux métaux lourds pendant l’été. De quoi nous faire prendre conscience de notre impact sur le monde qui nous entoure.

C’est en exprimant l’importance de sa mission pour la génération future que Diane termine cet entretien : « Être maman donne encore plus de corps à mon engagement. Dans ce climat anxiogène, je trouve l’être humain totalement déconnecté de l’essentiel. Il se sent plus consommateur qu’acteur de sa propre vie. A travers la Massane, c’est le futur de nos enfants qui se jouent. »

De toute évidence, nous avons tous beaucoup à apprendre de ces (h)êtres exceptionnels…


DIANE SOREL 

Chargée de communication scientifique de la Réserve Naturelle Nationale de la forêt de la Massane

 

Mots : Camille Lemay

Photos: Ingrid Bauer

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Diane Sorel, gardienne de la forêt de la Massane

La forêt est essentielle à notre vie sur Terre. Notre devoir ? La respecter, l’écouter, la regarder. Mais si elle est notre alliée, elle se suffit à elle-même. Cette libre évolution, c’est ce qui est appliqué dans la réserve de la Massane, bijou de naturalité classée au patrimoine mondiale de l’Unesco.

Anne-Sophie Baillet

On peut dire que Diane Sorel est une elfe. Sa mission de chargée de communication scientifique a commencé il y a presque dix ans, dans cette forêt des temps anciens. Elle nous raconte avec passion que son patrimoine génétique a été évalué entre 6 000 et 8 000 ans d’âge mais il est fort probable qu’il se soit maintenu à partir de la glaciation, il y a près de 12 000 ans ! Elle aurait été par la suite une zone de recolonisation. On y a recensé pas moins de 10 500 espèces et des centaines d’arbres de plus d’un mètre de diamètre et parfois 32 mètres de haut. Pas étonnant que ces terres soient donc considérés comme une pièce précieuse du puzzle de l’Europe. On trouve encore les vestiges de l’ancienne exploitation de charbon, mais depuis maintenant 150 ans, ces 336 hectares s’expriment librement, sans l’intervention de l’homme. Ça nous remet un peu en place, pauvres diables que nous sommes… Tout cet écosystème n’a pas besoin de nous !

La Massane, patrimoine génétique de l’Europe

Ce projet écologiste avant l’heure, on le doit à un homme : Paul de Boischaut, un ingénieur du 19e siècle qui avait compris que préserver cette espace était essentiel. Et sa réussite se démontre factuellement, la forêt se débrouille mieux toute seule. On l’explique notamment par sa façon d’intégrer toutes les générations à son environnement : en marchant, on croise des arbres vigoureux, des jeunes pousses, des souches à terre… Et on contemple avec humilité cette régénération naturelle.  La notion de mort, loin d’être une fin en soi, fait même partie intégrante du cycle de sa vie : Le bois mort qui jonche les sols, c’est l’or de sa biodiversité. Il devient de la nourriture pour les uns, un abri pour les autres, une source de protection qui conserve l’humidité. «La mortalité est visible : on laisse nos arbres mourir quand ils arrivent en fin de vie. On laisse ensuite ce bois à terre, car les études ont montré que si vous l’enlevez, vous appauvrissez vos sols.» D’ailleurs, les étudiants et scientifiques viennent du monde entier pour découvrir cette terre fertile et rebelle, véritable laboratoire à ciel ouvert. Si elle est composée majoritairement de hêtres, il est possible que d’autres espèces se développent massivement en s’adaptant aux nouvelles conditions climatiques, à l’image de l’érable. C’est une autre force de ces bois millénaires : ils sont résilients et évoluent selon l’ère du temps.

Ne cherchez pas, vous ne trouverez point de guide pour vous narrer les contes de la Massane. On peut encore emprunter des chemins de randonnée balisés pour admirer la nature environnante mais il est interdit d’y proposer une activité commerciale. L’homme a pourtant laissé une empreinte forte dans l’équilibre de la réserve : la pollution. Car loin du shoot d’air pur fantasmé, on se trouve malheureusement dans une zone à la forte pollution à l’ozone et aux métaux lourds pendant l’été. De quoi nous faire prendre conscience de notre impact sur le monde qui nous entoure.

C’est en exprimant l’importance de sa mission pour la génération future que Diane termine cet entretien : « Être maman donne encore plus de corps à mon engagement. Dans ce climat anxiogène, je trouve l’être humain totalement déconnecté de l’essentiel. Il se sent plus consommateur qu’acteur de sa propre vie. A travers la Massane, c’est le futur de nos enfants qui se jouent. »

De toute évidence, nous avons tous beaucoup à apprendre de ces (h)êtres exceptionnels…

DIANE SOREL 

Chargée de communication scientifique de la Réserve Naturelle Nationale de la forêt de la Massane

Mots: Camille Lemay 

Photos: Ingrid Bauer 

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