Merlin Labron Johnson, l’enchanteur étoilé d’Osip

Originaire du Devon, Merlin Labron Johnson, enchante le Somerset, à coup d'assiettes étoilées, avec son restaurant Osip, fraichement installé dans un nouveau site champêtre.

Les heures vespérales résonnent dans les champs; En août dernier, nous avons accosté au port de Plymouth, dans les Cornouailles, pour remonter jusqu’à Bruton afin de rencontrer et goûter la célèbre cuisine de Merlin, l’enchanteur du Somerset. Dans un français, particulièrement maitrisé il se raconte et nous raconte son parcours culinaire. De sous chef en Belgique à décrocher la lune et une étoile jusqu’en Angleterre, il mène bien sa barque et est à la tête de deux restaurants, l’étoilé Osip et le bistrot Old Pharmacy de l’hôtel Number One Bruton. 

Originaire du Devon, vous avez fait vos premières classes avec le chef Kobe Desramaults du célèbre restaurant In de Wulf . Racontez-nous…

Je suis avant tout agriculteur et ensuite chef. Bien que j’ai cuisiné bien plus longtemps que je n’ai cultivé, c’est ce lien avec la terre qui guide aujourd’hui mon travail à Osip, notre restaurant à Bruton. Après avoir voyagé à travers l’Europe et découvert les rythmes de la nature, je puise mon inspiration dans le fait de cultiver et préparer des aliments qui reflètent le territoire qui nous entoure.

Vous avez jeté votre dévolu sur le petit bourg de Bruton…

Après avoir ouvert trois restaurants à Londres, j’ai ressenti l’appel de la nature me ramenant à la campagne. Un ami m’a présenté aux propriétaires de Number One Bruton, où j’ai commencé mon parcours. Cette année, j’ai déplacé Osip vers un nouveau site, embrassant pleinement la philosophie “de la ferme à l’assiette”. Nous avons donc une ferme à proximité et un restaurant avec vue en plein champ. 

Comment devient-on chef étoilé? Vos inspirations ? Votre philosophie? 

Je n’ai pas grandi avec une cuisine élaborée, mais les repas simples et saisonniers de ma famille m’ont marqués. Inspiré par un directeur d’école, j’ai poursuivi la cuisine, débutant au restaurant The Elephant à Torquay avant de partir en France et en Suisse, où mon parcours culinaire a pris forme.

C’est une cuisine de la terre, profondément ancrée dans notre environnement et notre communauté. Chaque ingrédient, issu de producteurs locaux ou cultivé sur notre ferme, reflète nos relations avec les agriculteurs de la région. Le « luxe » de notre cuisine réside dans le soin et le temps investis dans chaque ingrédient.
Notre menu raconte une histoire de respect profond et d’amour pour la terre. Dans notre nouvel emplacement, le menu est encore plus en phase avec les changements de saison, où les récoltes et les cueillettes dictent ce qui peut figurer chaque jour. Aucune saison, et même aucun jour, ne se ressemble exactement, et cela se reflète dans la combinaison des ingrédients utilisés.

Par exemple, chaque menu propose un taco, dont le concept reste le même, mais les ingrédients changent en fonction de la production du moment. Je raconte aussi l’histoire de mon propre parcours culinaire : les menus marient les techniques que j’ai apprises à l’étranger aux saveurs de Bruton et du Sud Ouest de l’Angleterre.

Votre cuisine est-elle zéro déchet?

La durabilité est au cœur de notre travail chez Osip.

85 % de nos produits proviennent de notre ferme et verger biodynamiques et le reste est sourcé localement. Nous achetons toutes nos viandes entières et les préparons sur place pour minimiser les déchets. Nos excédents de légumes et nos épluchures sont mis en conserve ou transformés en bouillon pour nous aider à traverser les mois froids, lorsque la production est moins abondante. Le reste de nos déchets est utilisé pour le compost, créant un système en boucle fermée.
Étrangement, je parle peu de durabilité. C’est si fondamental pour nous que cela me semble presque normal, alors ce n’est souvent pas la première chose que je mentionne. Je me concentre davantage sur l’hospitalité et sur ce que nos invités ressentent lorsqu’ils dînent chez nous.

Etes-vous végétarien? Une recette favorite? 

Non, mais la cuisine que je prépare et que je consomme est bien plus centrée sur les légumes que sur la viande ou le poisson.

Un de mes plats favoris est la boulette de ricotta, courgette jaune et lactosérum fumé. Ce plat est inspiré des gnudi italiens, typiques de la région de Lombardie. Ils sont très délicats en texture, et nous les préparons avec de la ricotta pochée provenant de quelques kilomètres d’ici. On peut donc dire que ce plat est inspiré de l’Italie, mais qu’il est aussi très « Somerset », grâce aux ingrédients. Le lactosérum est un sous-produit que nous utilisons également, et nous préparons aussi une purée de courgette jaune dorée. Un plat simple, avec des ingrédients qui s’inscrivent dans un cycle complet, avec très peu de déchets.

Qui est Merlin lorsqu’il enlève son tablier de chef  ?

Voyager est sans doute mon activité favorite quand je ne suis pas au restaurant. En octobre, je suis parti en résidence durant une semaine en Sicile ; C’est la troisième année consécutive, et j’apprécie vraiment cette expérience. L’automne est une période idéale pour parcourir le bassin méditerranéen, où les ingrédients sont uniques en cette saison. Que ce soit pour le travail ou pour le plaisir, explorer de nouvelles régions ou revisiter des lieux à des moments différents de l’année m’inspire et me détend énormément.

Vos projets pour Osip? 

Mon principal objectif actuellement est le nouveau Osip et son évolution. Cela fait un certain temps que nous sommes dans notre nouveau lieu, mais le déménagement me semble encore tout récent. Quant aux prochaines étapes, le projet suivant consiste à finaliser les chambres au-dessus du restaurant : il y aura quatre belles chambres doubles, qui permettront à nos invités de profiter encore plus de la campagne environnante, notamment de la forêt de pins à quelques pas du bâtiment. Je prends également beaucoup de plaisir à élaborer notre nouveau menu de petit-déjeuner. Cela fait un moment que je n’ai pas conçu de menu de petit-déjeuner et j’y mets le même soin que pour le menu dégustation d’Osip

Comment voyez-vous le l’avenir de la cuisine ? 

L’avenir repose sur l’équilibre. Chez Osip, nous nous efforçons d’améliorer chaque aspect de nos opérations et d’encourager des changements progressifs vers une industrie plus durable. Nous agissons plus que nous ne parlons, en montrant par des actes. Concernant la gestion de la nourriture, par exemple, nous sommes très attentifs à la distance parcourue par les ingrédients, en privilégiant les producteurs locaux et en cultivant la majorité de ce que nous utilisons dans notre cuisine, en veillant à la fraîcheur. Ce qui ne peut être utilisé immédiatement est préservé autrement. Nous cherchons à faire une petite différence pour montrer la voie d’une approche durable dans cette industrie.

La nuit s’est posée sur la campagne verte anglaise. Nos ventres sont bien repus. Plein d’étoiles dans les yeux et le coeur embaumé par tant de beautés multisensorielles. Nous avons amoureusement été ensorcelés par le menu-dégustation de Merlin, un cuisinier hors pair au sourire malicieux. L’heure est aux impossibles adieux. 

MERLIN LABRON-JOHNSON

Chef  & propriétaire du restaurant étoilé Osip et du bar à vins Old Pharmacy. 

Restaurant Osip. 25 Kingsettle Hill, Bruton
Somerset, BA10 0LN

The Old Pharmacy. Bruton. 

Merlinlabronjohnson

Propos recueillis & photo portrait / assiettes: Ingrid Bauer 

Photos: Maureen M. Evans. Christopher Le Brun PC Dave Watts. Couverture: PC Dave Watts. 

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